BOUROUIS Derradji (suite)
Après avoir obtenu les diplômes d'El Ahlya et du Tahcil à Tunis, Derradji BOUROUIS retourne au
pays et se marie, avec quelques appréhensions.
« Je n’avais que 20.000 francs en poche (200,00 DA) et pas encore d’emploi;
j’hésitais alors à m’engager. Mais lorsque mon père me dit : est-ce le mariage qui te fait peur ? je pris la décision qu’il fallait.»
Par le biais des relations nouées avec des membres de l’Association des Oulémas, il fut présenté à
Cheikh Larbi Tebessi qui le mit aussitôt dans le bain dans la Médersa de Belcourt.
Cette Médersa se situait rue Sergent Bucklin en prolongement de l’Allée des Mûriers, dans une
habitation dénommée « Villa Mériem »,
bien qui avait été acquis par des citoyens algériens qui l’ont constitué en « habous » le 24
Décembre 1946 au profit de la communauté des musulmans résidant à Belcourt pour y ériger une Mosquée ainsi qu’une école.
Cheikh Ahmed et Cheikh El Hachemi y disposaient chacun d’une salle de cours équipée de tables et de
tableaux noirs.
Cheikh Derradji se vit attribuer, au rez-de-chaussée de cette maison, une pièce ne disposant que d’une
grande natte récupérée de la Mosquée en construction et d’une porte en bois, de récupération également, qui servait de tableau pour l’enseignement d’une dizaine d’enfants à peine.
Une certaine méfiance régnait à l’époque envers ces jeunes enseignants qui avaient obtenu leurs
diplômes à TUNIS et qui paraissaient ne pas capitaliser suffisamment de sciences pour se voir confier des enfants et leur inculquer les rudiments de la religion, car les gens s’étaient mis dans
la tête que l’enseignement de la langue arabe c’était l’apprentissage de la religion musulmane qui devait se concrétiser par l’assimilation des 60 chapitres du Coran.
Par la suite, et devant le nombre croissant d’élèves, la classe de Derradji BOUROUIS bénéficia d’une
salle plus grande située au premier étage de la Villa et qui comprenait des rangées de tables d’écoliers avec un véritable tableau noir.
Avec lui, nous avons découvert la langue arabe qui n’était pas faite que de « vermicelles »
comme disaient alors les colonialistes mais qui avait une structure, des règles grammaticales cohérentes, un vocabulaire très riche et des possibilités de construction imagée infinies.
Les élèves, après avoir assimilé l’alphabet arabe, composaient des phrases « verbales » ou
des phrases « nominales » en utilisant des mots « solaires » ou « lunaires », en applicant les principes du « moubtada » et du « khabar », en
tenant compte de « kana oua akhaouatiha » etc…...
Des séances étaient réservées aux Cours de Calcul, d’autres aux Cours d’Histoire et de
Géographie (sans les cartes), d’autres à la Rédaction et même au …. Chant !
En effet, les élèves apprenaient à chanter « El Hirrou », « Ya taïri » entre
autres, mais ce fut « Min djibalina » qui eut le plus de succès.
Cheikh Derradji l’a fait apprendre au départ en tant que poème à réciter, puis il le fit chanter par
ses élèves qui n’en maitrisaient pas bien l’harmonie musicale jusqu’au jour où les Scouts du Groupe Emir Khaled, qui occupaient un local au rez-de-chaussée se sont rassemblés dans la Cour et ont
entonné ce Nachid qui a été tout de suite repris par les élèves qui étaient en classe.
A partir de ce jour, ce Nachid était pratiquement chanté tous les jours.
Avec la découverte de la langue arabe, les élèves ont également découvert des enseignants d’un genre
nouveau qui leur rappelaient ceux de l’école française.
Avec les cheikh Derradji BOUROUIS, Hocine BOUCHOUAIB, Zoubir ABDELLATIF, SALAH ….. ils étaient
sanctionnés par la mise « au piquet » et les devoirs supplémentaires à la place de la Falaqa, et encouragés par des « bons points » et même des « prix »
sous forme de livres arabes.
(A suivre)